Les Hauts-de-Seine au crible des droits de l’homme

Les Hauts de Seine au crible des droits de l’homme

Tribune que j’ai signé,  publiée par Mediapart le 5 juin 2012

Droit de vote des étrangers non ressortissants de l’Union européenne aux élections locales, refonte de la loi sur la vidéo-surveillance, mixité du logement: autant de propositions de la LDH auxquelles s’opposent de nombreux candidats dans le départements. Habiba Bigdade, présidente de la fédération de la Ligue des droits de l’homme des Hauts-de-Seine, les passe en revue.


Le résultat des élections législatives sera déterminant pour traduire dans la loi les orientations dessinées par le nouveau gouvernement. A l’approche de cette échéance, la Ligue des droits de l’homme présente une cinquantaine de propositions, soumises aux candidats, et tendant à rendre effective l’égalité des droits. Force est de constater que plusieurs d’entre eux, dans les Hauts-de-Seine, ont jusqu’ici mis en œuvre ou se sont exprimés sur des politiques largement contraires aux idées promues par ces propositions.

Le département des Hauts-de-Seine, avec son centre d’affaire de la Défense, son château de la Malmaison, ses parcs, ses bords de Seine et le Mont-Valérien, est à la fois le plus petit (hormis Paris) et plus riche de France. Il accueille aussi, depuis de nombreuses années… le siège du FN. D’abord à Saint-Cloud, où Jean-Marie Le Pen en son fameux « paquebot » avait trouvé résidence en 1994, puis Nanterre où il a échoué en 2008.

L’abordage dans cette ville rouge a été difficile. A l’époque, les habitants, les associations s’étaient mobilisées avec les élus pour manifester leur mécontentement. La LDH, comme d’autres associations, avait fait la proposition, en accord avec la famille, de baptiser la rue concernée « Brahim-Bouarram », du nom du jeune Marocain assassiné le 1er mai 1997 par des militants d’extrême droite en marge du défilé du FN. Cette proposition est restée lettre morte.

Dans ce département à la tête duquel Nicolas Sarkozy a succédé à Charles Pasqua (comme au ministère de l’intérieur), la sécurité fait depuis longtemps partie du fond de commerce des villes de droite. Et celui qui a le plus œuvré dans ce domaine est Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret et candidat UMP dans la 5e circonscription des Hauts-de-Seine.

Dans les années 90, sa ville a été précurseur du développement des caméras sur la voie publique: on en compte plus de 84, coûtant plus de 275 000 euros par an, budget en continuelle progression. Non seulement la loi Loppsi 2 (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) permet à toute municipalité d’installer des caméras de « vidéo surveillance », (« vidéo protection » ou encore « vidéo tranquillité » en fonction des sensibilités politiques), mais de plus, aux élus locaux réticents, le préfet peut ordonner la réalisation d’études de sécurité sur les besoins des communes en matière de vidéosurveillance pouvant se traduire par l’installation de force de caméras, contre l’avis des élus locaux.

La mise en place, dans l’espace public, de ces systèmes de vidéosurveillance est une atteinte à notre vie privée et à nos droits fondamentaux. Souvent, les décisions d’installation de ces systèmes se font dans l’opacité : manque de communication des études préalables, des appels d’offres, des budgets de fonctionnement, absence de débats contradictoires justifiant la vidéosurveillance.

Nous doutons que le maire de Levallois applique notre proposition de supprimer les articles de la loi Loppsi 2 qui ôtent à la Cnil le pouvoir  de contrôle sur les systèmes de vidéosurveillance. D’autant plus que Claude Guéant s’est dépêché avant de partir de faire paraître au Journal Officiel le 6 et 8 mai 2012 deux décrets d’application de la Loppsi 2. Et c’est toujours dans les Hauts-de-Seine, dans la 9e circonscription, que Claude Guéant, candidat UMP, espère remplacer confortablement le maire UMP de Boulogne-Billancourt.

Nous exigeons, la fermeture des centres de rétention, la régularisation de tous les sans-papiers, par la réforme du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), avec l’attribution de plein droit de la carte de résident de dix ans, ainsi que de l’amélioration des conditions d’accueil et l’équité des procédures pour que chaque demandeur d’asile puisse défendre sa situation et travailler pour subvenir à ses propres besoins.

Parmi nos propositions figure celle d’accorder le droit de vote aux élections locales aux résidents étrangers ayant la nationalité d’Etats non membres de l’Union européenne. Le droit de vote des étrangers aux élections locales est une longue lutte. Cette proposition de François Mitterrand en 1981, oubliée, a refait surface en 1988, puis à nouveau jetée aux oubliettes, a pu commencer à être envisagée sérieusement en 1992. A cette date, le traité de Maastricht accordant le droit de vote aux membres de la communauté européenne annonçait de fait la séparation entre les principes de citoyenneté et de nationalité, affaiblissant l’argument de ceux qui pensait qu’ils étaient indissociables.

Cette proposition de loi, supprimant la discrimination faite entre les étrangers en France, a fini par être adoptée en 2000 à l’Assemblée nationale, puis en 2011 au Sénat. Faudra-t-il encore attendre dix ans pour que la loi soit à nouveau approuvée par les députés? Nous devrions être rassurés, car le projet figure parmi les propositions de François Hollande, et devra être porté par la future majorité à l’Assemblée nationale. Nicolas Sarkozy s’y étant fortement opposé pendant la campagne présidentielle, il n’est pas étonnant de voir les candidats UMP sur la même ligne. Mais la surprise se trouve en la personne de Julien Landfried (MRC), candidat du PS dans la 13e circonscription des Hauts de Seine. Il n’a jamais caché son opposition au droit de vote des étrangers, jusque très récemment. Celui qui accuse les « sans-papiéristes » de faire de l’électoralisme en banlieue reviendra-t-il sur sa position pour rassurer son électorat ?

La mixité doit se retrouver aussi dans le logement: l’une de nos propositions est aussi de privilégier un développement des territoires qui favorise le lien social. Pas forcément au goût de Philippe Pemezec, maire du Plessis-Robinson et candidat UMP dans la 12e circonscription de Hauts-de-Seine, cité par Claire Checcaglini dans son livre Bienvenue au Front : «Je participe aux commissions d’attribution des logements sociaux à l’office départemental des Hauts-de-Seine. Et je peux vous dire qu’au Plessis, il n’y a pas beaucoup d’Arabes. Je fais très gaffe.» Et en effet, Mediapart a montré que les faits ne démentent pas les mots : les noms à consonance maghrébine sont ultra-minoritaires parmi les bénéficiaires de logements sociaux.

La discrimination en France de citoyens au motif de leur origine, qu’elle soit ethnique ou géographique, de leur culture ou de leur religion, dans l’attribution de logements, est constitutive d’un délit. Nos représentants à l’Assemblée nationale doivent être exemplaires et représenter  tous les Français.

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