Aung San Suu Kyi condamnée à 18 mois de détention

La justice birmane a condamné mardi l’opposante Aung San Suu Kyi à trois ans de détention, une peine aussitôt réduite de moitié par la junte militaire au pouvoir.

La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 pourra néanmoins passer ces dix-huit mois de détention assignée à résidence à son domicile de Rangoun.

Ce jugement, qui a suscité des réactions indignées de la communauté internationale, risque d’isoler plus encore le régime birman, accusé de vouloir écarter Aung San Suu Kyi de toute activité politique à l’approche des élections de 2010.

Aung San Suu Kyi, qui a passé quatorze de ces vingt dernières années en détention, risquait une peine maximale de cinq ans de prison.

« Aung San Suu Kyi (…) a été reconnue coupable des charges retenues contre elle et je la condamne de ce fait à une peine de trois ans de prison », a déclaré le juge, dont le verdict a coupé le souffle à de nombreux participants dans le prétoire. Quelques moments plus tard, le ministre de l’Intérieur, le général Muang Oo, s’est présenté devant la cour pour annoncer la décision de la junte de réduire de moitié la sentence.

Le ministre a invoqué à cet égard les origines familiales de la condamnée – elle est la fille du héros de l’indépendance birmane Aung San – ainsi que « la nécessité de préserver la paix civile et d’empêcher des troubles sur la voie de la démocratie ». Aung San Suu Kyi était poursuivie pour avoir laissé entrer chez elle début mai John Yettaw, un ancien combattant de la guerre du Vietnam. Celui-ci était arrivé chez elle à la nage par le lac Inya, dans le nord de Rangoun.

Yettaw, pour sa part, a été condamné à sept ans de travaux forcés, notamment pour avoir violé la législation sur l’immigration et avoir « nagé dans une zone interdite ». L’Américain a déclaré à la cour avoir été envoyé par Dieu au domicile de Suu Kyi pour l’avertir qu’elle risquait d’être assassinée par des « terroristes ».

Quelque 2.000 membres des forces de sécurité avaient été déployés aux abords de la prison pour l’énoncé du jugement. Les journaux officiels ont mis en garde les partisans d’Aung San Suu Kyi contre toute tentative de manifestation et ont appelé les pays étrangers à ne pas s’ingérer dans les affaires birmanes.

Aung San Suu Kyi était inculpée en vertu de l’article 22 d’une loi sur la sécurité intérieure protégeant l’Etat des « éléments subversifs ». Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a appelé à plusieurs reprises à sa libération et à celle des autres prisonniers politiques birmans.

Les avocats d’Aung Suu Kyi estimaient qu’elle devait être acquittée, la loi en vertu de laquelle elle est inculpée relevant de la Constitution de 1974 qui n’est plus en vigueur.

Les tribunaux penchent traditionnellement du côté de la junte militaire, qui dirige la Birmanie depuis le putsch de 1962. Dans une déclaration de la présidence suédoise, les 27 pays de l’Union européenne ont annoncé leur intention d’accentuer leurs mesures ciblées « contre ceux qui sont responsables du verdict » et ont réclamé la libération immédiate et sans condition de l’opposante.

« En outre, l’UE renforcera ses mesures restrictives visant le régime birman, y compris ses intérêts économiques », précisent les Vingt-Sept. Gordon Brown, le Premier ministre britannique, évoque un verdict « monstrueux » témoignant « de la volonté du régime d’agir avec le plus grand mépris pour les normes de l’état de droit ».

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